Accepter un chantier de longue durée en France : points d’attention fiscaux et comptables
De plus en plus d’entrepreneurs belges sont actifs de l’autre côté de la frontière. La France reste un marché attrayant, notamment grâce à ses projets d’infrastructure, son tourisme et les investissements publics. Toutefois, lorsqu’un entrepreneur belge accepte un chantier de longue durée (plusieurs mois) en France, il est confronté à une série d’obligations fiscales et comptables souvent négligées. Cet article met en lumière les principaux points d’attention pour les entrepreneurs belges actifs sur un chantier français.
1. Établissement stable ou non ?
L’une des premières questions à se poser est de savoir si le chantier donne lieu à un établissement stable au sens de l’impôt sur les sociétés. Selon la convention fiscale franco-belge, un établissement stable est créé si les travaux de construction ou de montage durent plus de six mois.
Si cette condition est remplie, l’entreprise belge est imposable en France sur les bénéfices attribuables à ce chantier.
Point d’attention pratique : plusieurs chantiers successifs sur un même site ou dans le cadre d’un même projet peuvent être regroupés pour le calcul de la durée totale.
2. Obligations déclaratives et impôt sur les sociétés français
En cas d’établissement stable, il faut :
- demander un numéro SIRET français ;
- déposer une déclaration d’impôt sur les sociétés ;
- établir des comptes annuels selon les règles comptables françaises.
Ces obligations s’appliquent même si la comptabilité belge calcule déjà un résultat spécifique pour le chantier. La France exige une ventilation locale des résultats via un bilan et un compte de résultat distincts.
3. Impact comptable
La présence d’un chantier en France a également des implications comptables en Belgique :
- Le chantier doit être suivi séparément dans la comptabilité belge ;
- Les coûts et les revenus doivent être imputés au chantier ;
- Une comptabilité française distincte doit être tenue, conforme aux normes françaises – capable de générer des fichiers FEC ((Fichier des Écritures Comptables).
4. Éviter la double imposition
En présence d’un établissement stable en France, la Belgique doit accorder une exonération d’impôt pour les bénéfices imposés en France, à condition d’appliquer correctement la convention de double imposition. Cela requiert une répartition correcte des bénéfices selon le principe de pleine concurrence et une documentation claire.
5. TVA et représentation fiscale en France
Même sans établissement stable, une obligation à la TVA en France peut survenir :
- en cas de livraisons et prestations de services dont le lieu d’imposition est en France ;
- en cas d’entrée sur le marché immobilier français (ex. : travaux immobiliers).
L’entrepreneur belge peut devoir se faire enregistrer à la TVA et, dans certains cas, désigner un représentant fiscal.
6. Obligations sociales : SIPSI, A1, URSSAF
En plus des obligations fiscales, certaines formalités sociales sont requises lors de l’emploi de personnel sur un chantier français :
- déclaration SIPSI avant le début des travaux ;
- formulaires A1 pour prouver l’affiliation à la sécurité sociale belge ;
- dans certains cas, désignation d’un représentant sur le territoire français apte à présenter des documents aux services d’inspection ;
- enregistrement URSSAF lors du détachement de personnel pour vérification des conditions de rémunération et de travail.
Pour en savoir plus sur le détachement en France, consultez cet article.
7. Assurances : responsabilité décennale
En France, une assurance décennale est obligatoire pour les projets de construction. Les entrepreneurs belges se heurtent souvent à des problèmes pratiques : les assureurs français sont généralement réticents à souscrire cette police avec des entreprises étrangères, même en cas d’établissement stable en France.
Dans certains cas exceptionnels, cela reste possible via une succursale française, mais la tendance est de plus en plus à la création d’une société française distincte pour répondre aux exigences en matière d’assurance. Sans couverture adéquate, l’entrepreneur risque de ne pas pouvoir accéder au marché français ou de rester responsable sans assurance en cas de dommage.
Conclusion
Accepter un chantier de longue durée en France implique bien plus que l’exécution d’un contrat sur le territoire français. Des obligations fiscales, sociales et comptables doivent être respectées de manière correcte et en temps utile. Une bonne préparation permet non seulement d’éviter amendes et redressements, mais aussi des complications avec le fisc français ou l’inspection sociale.
Conseil: faites réaliser une analyse préalable de l’impact du projet sur les obligations déclaratives françaises et belges. Pensez également à la faisabilité pratique de l’obtention d’une assurance décennale.
RFN accompagne les entrepreneurs belges dans chaque aspect de cette préparation – de l’enregistrement fiscal à l’assurance et à la comptabilité – afin que vous puissiez aborder le marché français en toute confiance.